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Actualité du: 6 janvier 2012

Sexual Abuse (Lutter contre les violences sexuelles) de Wendy Elliman (publié dans le numéro d’octobre 2011 de Hadassah Magazine)


Dans les pays occidentaux, une femme adulte sur quatre est l’objet de violences sexuelles au moins une fois dans sa vie.  Les statistiques sont similaires pour ce qui est des abus à l’encontre des petites filles, et il en est de même pour un jeune garçon sur six.  Très rares sont les victimes qui cherchent à se faire aider par des médecins ou des psychologues ou qui se confient à une tierce personne. Les poursuites judiciaires sont encore plus rares.

Le Dr Sagit Arbel-Alon (au milieu), Directrice de Bat Ami avec Nava Braverman, infirmière (à droite) et une infirmière urgentiste   Photo Avi Hayun
Le Dr Sagit Arbel-Alon (au milieu), Directrice de Bat Ami avec Nava Braverman, infirmière (à droite) et une infirmière urgentiste
Photo Avi Hayun

Parce que, souvent, les victimes ont trop peur ou trop honte pour en parler, le Dr Sagit Arbel-Alon, spécialisée en obstétrique et en gynécologie au Centre Hospitalo- Universitaire Hadassah à Jérusalem, demande systématiquement à ses patientes si elles ont subi des abus sexuels. Pour certaines, cette « permission » d’aborder un souvenir douloureux et enfoui ouvre la porte à un torrent de confidences. 

Mais d’autres répondent comme cette jeune femme d’une vingtaine d’années : « Oh non, rien de pareil ne m’est jamais arrivé.  Une fois, il y a quelques années, un homme s’est jeté sur moi alors que je rentrais de l’école, a déchiré mon t-shirt et m’a traînée dans une ruelle.  Il ouvrait sa braguette quand il a entendu quelqu’un arriver et s’est enfui.  Oui c’était horrible.  Mais, comme vous voyez, je n’ai jamais subi d’abus sexuel. »

La définition de l’abus sexuel est la suivante : un acte ou un comportement sexuel imposé à une personne sans son consentement, précise le Dr Arbel-Alon.  « C’est une forme de violence sexualisée, un crime volontairement commis avec l’intention de terrifier, humilier et manipuler sa victime.  La croyance actuellement répandue dans notre société, selon laquelle la plupart des viols sont le fait de pervers sexuels ou de personnes incapables de contrôler leurs pulsions, a été abondamment réfutée. »

Le Dr Arbel-Alon dirige le Centre Bat Ami de Hadassah pour les victimes d’abus sexuels.  C’est un centre de traitement multidisciplinaire spécialisé pour venir en aide à ceux ou celles ayant subi (ou plutôt, pour employer une expression moins passive) ayant survécu à de telles violences. Seul centre de ce type intégré à un établissement hospitalier à Jérusalem et au sud d’Israël, il a ouvert ses portes en mai 2009 et depuis, après moins de trois d’existence, 400 personnes âgées de 2 à 75 ans y ont été traitées.

« Cette progression, importante et continue, du nombre de personnes qui nous consultent démontre que la reconnaissance officielle du problème encourage les survivants à se faire aider médicalement et moralement, » explique Tamar Siegel, infirmière-chef à Bat Ami.

Les origines de Bat Ami remontent à plus de dix ans quand des infirmières, des assistantes sociales et des médecins se sont réunis à l’initiative de Nava Braverman, à l’époque infirmière chef en salle d’accouchement, pour se constituer en groupe d’intervention pour les victimes de sévices sexuels.  « Tous, les professeurs gynécologues compris, se sont proposés pour répondre aux appels d’urgence, » se souvient le Dr Shlomo Mor-Yosef, Directeur général du CHU.  « L’enthousiasme des membres de l’équipe était palpable. »

Ils ont réussi à convaincre les autorités administratives du CHU qu’il n’était pas envisageable de laisser un besoin aussi criant sans solution, thèse à laquelle le gestionnaire de l’hôpital, le Dr Yval Weiss, souscrivait entièrement.  « Le service à la collectivité et la santé des femmes sont parties intégrantes de la mission de Hadassah, » remarque-t-il.  « Ce sont des éléments essentiels pour dispenser des soins de qualité. »

De plus en plus fréquemment, la police, les membres des professions médicales et les équipes des centres d’aide conseillent aux victimes de viols de consulter les spécialistes de Hadassah.  Finalement, le Ministère de la Santé s’est joint au mouvement en fournissant un financement à la hauteur de celui déjà consenti par le CHU.  Enfin, des dotations dues à la générosité de particuliers viennent compléter significativement ce modeste budget.  Les interventions du groupe ont été formalisées par la création d’un centre structuré dont les membres reçoivent une formation sur des notions essentielles de médecine légale et des répercussions sociales, affectives et juridiques des sévices sexuels.

« Cette transformation en centre officiel reconnaît le bien fondé de l’avis médical qu’il est absolument nécessaire de prendre en charge les victimes d’attaques à caractère sexuel et de viols, » explique le Dr Arbel-Alon. « La morbidité et la mortalité dues à ce phénomène atteignent un niveau qui ne peut laisser indifférent et sa fréquence ainsi que ses répercussions sur la santé constituent un problème aussi sérieux que celui des cardiopathies coronariennes. »

Elle ajoute que près de la moitié des personnes traitées pour des problèmes psychiatriques ont été victimes de sévices sexuels au cours de l’enfance.  Les douleurs d’estomac chroniques, les infections à répétition de la région pelvienne, les troubles de l’alimentation, une fréquence anormale de consultation des services d’urgence, un comportement d’évitement ou d’aversion envers les examens médicaux sont autant de manifestations, parmi beaucoup d’autres, d’un état général de santé se détériorant après viol ou abus sexuels.  Une victime sur cinq fait au moins une tentative de suicide et d’autres expriment sans arrêt une envie de mort.

La bonne compréhension des conséquences de ces abus est au coeur même des activités de Bat Ami.  « Les victimes et leurs besoins sont la pierre de touche de notre philosophie, » affirme Dorit Greenspan, assistante sociale en chef de Bat Ami.

C’est par un couloir discret que Dorit Greeenspan ou une autre assistante sociale conduisent les victimes d’abus sexuels, loin de l’agitation des services d’accueil aux urgences, vers les salons d’attente plus tranquilles de Bat Ami, meublés de fauteuils, de petites tables et d’un coin café.  Juste à côté, équipée de tout le nécessaire pour les examens médicaux et la médecine légale, ainsi que pour les formalités à l’intention des services de police et de justice, se trouve la salle de consultation.  À la fin d’une séance qui peut se prolonger pendant cinq ou six heures, une douche et des sous-vêtements propres sont mis à la disposition des victimes.

« Nous proposons à la victime de choisir qui l’accompagnera pour chaque stade de l’examen, des prélèvements et des déclarations, » ajoute Dorit Greenspan.  « C’est la victime qui décide du rythme des questions posées, de ce qu’elle est prête à supporter au niveau des examens à pratiquer et de si elle souhaite porter plainte — ce que nous conseillons mais n’imposons jamais.  Nous nous assurons que la victime est bien renseignée sur les possibilités qui lui sont offertes.  Nous lui disons que des preuves médico-légales peuvent être prélevées par nos infirmières, même si elle ne sent pas en état ou ne souhaite pas encore en parler à la police.  Cela permet de retarder la décision concernant une plainte éventuelle en attendant que la victime soit un peu remise de ses émotions. » 

Les laboratoires de Hadassah font passer en priorité les analyses concernant les patients du Centre Bat Ami.  « Pendant un délai de 72 heures, il est possible d’éviter une grossesse et de traiter pour réduire le risque de maladies sexuellement transmissibles, le sida y compris, » reprend Tamar Siegel.  « Nous nous occupons aussi des formalités pour que les régimes d’assurance couvrent les frais de traitements ultérieurs le cas échéant, sans que les victimes soient obligées de répondre encore à d’autres interrogations. »

Au-delà des aides sur les plans médicaux et juridiques, un accompagnement psychologique approprié est immédiatement disponible.  « Le psychisme a autant besoin de soins que le corps, » souligne le Dr Arbel-Alon.  Une violence sexuelle fragilise la notion de sécurité personnelle et peut provoquer, soit dans l’immédiat, soit à plus longue échéance, des troubles physiologiques et affectifs.  Des études cliniques ont démontré que les premiers contacts après un viol conditionnent le potentiel de guérison des victimes. »

En réunissant une fois pour toutes les enquêteurs de la police et le personnel médical de Bat Ami, l’équipe s’assure également que la victime n’aura pas à raconter son histoire une deuxième fois.  « Les survivants n’ont pas à revenir sans cesse sur les circonstances d’une expérience humiliante et terrifiante, » précise Dorit.  « Ils s’expliquent tranquillement dans l’ambiance apaisante de Bat Ami — au lieu de l’atmosphère frénétique d’un service des urgences, avec seulement un rideau pour les protéger de l’indiscrétion de l’occupant d’un lit voisin.

« S’il est vrai que la procédure de base que nous suivons est la même pour tous les patients, chaque attaque sexuelle a ses particularités, » remarque le Dr Arbel-Alon.  « Chaque victime arrive avec ses propres valeurs, sa propre histoire, ses réactions émotionnelles personnelles et ses problèmes particuliers à résoudre.  Notre démarche pour une jeune fille arabe sous la menace d’une affaire « d’honneur familial » est très différente de celle qui s’impose pour un homme marié ultra-orthodoxe qui vient de nuit nous consulter en cachette pour que sa famille et ses camarades du Kollel ne sachent pas qu’il a été violé.  Les nombreuses décisions cliniques, administratives ou humaines que nous devons prendre dans chaque cas spécifique ont souvent un impact définitif ou de très longue durée sur la vie future de nos patients. »

Actuellement, Bat Ami reçoit environ 16 cas par mois, dont un au minimum est de sexe masculin.  La moyenne d’âge pour les adultes est de 27 ans et de 11 ans pour les enfants.  Certains sont d’origine arabe, mais la majorité est juive.  Un tiers d’entre eux sont handicapés ou viennent de milieux socio-économiques désavantagés.  Dans 70% des cas, l’assaillant est connu de la victime.

Le fardeau émotionnel est lourd à porter pour nos équipes. « Nous devons poser des questions importunes et gênantes, toucher des personnes qui ne veulent surtout pas qu’on les touche et pratiquer des tests invasifs, » reprend le Dr Arbel-Alon.  « Certains de nos patients nous repoussent avec horreur.  Certaines victimes adolescentes ressemblent tellement à nos propres filles… »

À part sa mission principale, soigner les victimes, Bat Ami a un deuxième objectif : sensibiliser les membres des professions médicales et l’opinion publique sur l’existence des abus sexuels.  Une des premières réalisations dans ce domaine a été de faire inclure un module sur la prise en charge des victimes dans le cursus de formation des obstétriciens, gynécologues et sages-femmes.

Un séminaire d’une journée se tenant à Bat Ami pendant l’été 2010 à la fin de la première année du centre a réuni plus de cent professionnels de la santé, juristes, assistants sociaux et autres personnes concernées.  Parmi elles, une parlementaire membre de la Knesset, gynécologue et avocate, Rachel Adatto.  « Le travail de Bat Ami est admirable, » dit-elle.  « Ils peuvent servir de modèle à tous les centres de traitement aux victimes de viols. »

La conférencière invitée était la présidente de la Cour Suprême israélienne, Dorit Beinisch.  « L’importance de ce centre est primordiale, » remarqua-t-elle.  « Trop longtemps, ceux ou celles qui se plaignaient de sévices sexuels n’étaient pas aidés et les victimes étaient stigmatisées.  L’idée reçue était que si une femme avait subi des violences sexuelles, elle y était probablement pour quelque chose. »

« Depuis quelques années, une révolution sociale voit le jour avec des changements qui ne viennent pas d’une directive autoritaire, mais de « la base ».  Les victimes de crimes sexuels sont traitées avec beaucoup plus d’égards, en respectant leur dignité et leur sensibilité, au lieu d’être considérées comme coupables d’avoir en quelque sorte « cherché » cette agression physique et morale.  Mais la stigmatisation n’a pas entièrement disparu… et Hadassah a endossé une très lourde responsabilité. »